Page:Cadiot - Jeanne de Mauguet.djvu/101

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


V

Le curé vint à Mauguet le surlendemain, dans la journée. Habituellement il n’y arrivait que le soir pour faire sa partie de boston. Mais, comme le clavecin avait été nouvellement remis en état, Jeanne pensa qu’il ne pouvait résister à l’envie de l’essayer.

— Venez, mon cher abbé, dit-elle, venez voir notre instrument ; il n’a point grand’mine, et surtout il n’a point grand son. Mais les notes sont justes, et ce sera tout ce qu’il faut pour nous distraire.

— Nous verrons cela ce soir, répondit Sylvain Aubert évidemment préoccupé. Voulez-vous que nous causions de choses plus graves ?

— Causons, mon ami.

En disant ces mots, elle frissonna. Un pressentiment l’avertissait que l’excellent abbé venait lui parler des plus chers intérêts de son cœur. Depuis deux jours, seule, dans sa bergère, au coin du feu, ou à travers la campagne dépouillée, elle ne cessait de songer à Louis. Ses résolutions n’avaient point changé ; elle était bien décidée à repousser le jeune homme,