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mémoire, est absolument éteinte en lui. Et par ce défaut de mémoire, il a perdu toute compréhension d’ensemble. Ainsi, dites-lui une chose simple et actuelle, énoncez-lui un fait, il vous comprendra très-bien ; faites-lui le raisonnement le plus clair, ce raisonnement glissera sur son éternel sourire, passera comme une ombre devant ses yeux clairs, et ne s’arrêta pas dans son cerveau ; car, pour s’y arrêter et y produire une pensée, il faudrait que, par le souvenir, il pût coudre les prémisses à la conclusion. D’ailleurs, il souffre moins encore au moral qu’au physique, ne regrettant et ne voulant rien. La volonté est brisée chez lui, comme la mémoire. De temps en temps, un désir violent et passager : c’est tout.

— Puis-je le voir ? demanda Sarah qui s’ennuyait, maintenant, dans son rôle de châtelaine, et chez qui une sorte de curiosité s’éveillait, à l’idée de voir quelque chose de nouveau ou d’inconnu.

— C’est que…

— Quoi ?

— Vous êtes femme et vous êtes belle, madame ; or, si la convenance du ton de mon sujet ne se dément jamais, il place quelquefois cette musique sur d’étranges paroles…

— Qu’à cela ne tienne : une fois prévenue…

— Je voudrais que vous pussiez le voir sans en être vue.

Sarah conservait encore ses beaux traits. Avec des fards, elle recomposait l’ancien éclat de son visage ; et, comme il arrive, quand on prend l’habitude d’é-