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pit Marius qui se représentait en imagination le chérubin aux pieds de la courtisane.

— Ah ! comédie et pas comédie !… Il est certain que j’étais venu là pour rouer cette femme, pour lui ravir par adresse ce que je ne pouvais payer ; il est certain encore que je calculais l’effet de mon attaque et jusqu’au désordre de mes paroles ; mais, avec cela, j’étais cependant poussé par une passion diabolique, et je ne sais ce que j’aurais fait pour l’obtenir.

— Eh bien ?

— Elle fut aussi froide et aussi dédaigneuse qu’une duchesse aurait pu l’être, et sans me répondre, elle étendit la main et tira la sonnette.

— Ah !… s’écrièrent en chœur tous les étudiants, avec un accent d ’étonnement et de réprobation. Puis chacun à son tour :

— Elle est forte !

Elle n ’a pas de cœur !

— Comment faut-il qu’elle ait été trompée !

— À quel âge a-t-elle été vendue ?

— À douze ans, reprit Jehan. Je l’ai su depuis. Et elle en a dix-huit.

— Hélas !

— Reconduisez monsieur, dit-elle à la femme de chambre qui entra.

» Je me levai, mais ayant au cœur une rage folle. En même temps je calculai que le moment de risquer le coup était venu. Je me dirigeai vers la porte, en chancelant, et au moment de la franchir, quand déjà l’inflexible Sarah avait disparu, je poussai un cri étouffé et tombai roide sur le tapis.