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en souriant, eh ! eh ! petit loup de six mois, tu vas bien ! — Un peu de Champagne, tiens, puisque le vertige ne te fait pas peur…

» — Volontiers, vieux requin. Non ! le vertige, au contraire, a des charmes d’une toute-puissance qu’on n’oublie plus dès qu’on les a sentis. Le vertige ! n’est-ce pas là le but suprême de nos efforts en ce monde ? Que cherchons-nous pour prix de labeurs incessants, de luttes désespérées ? des tentatives de l’audace et des palinodies de la lâcheté ? Quoi ? toujours la même chose ! — le vertige. Ah ! rien ne coûte assez pour payer cela ! car c’est la fin de l’excès… le « par delà » des forces et des plaisirs humains. C’est la conscience perdue, la vie dépassée, l’aspiration de toute notre puissance et de tous nos appétits, de nos rêves et de nos fantaisies, un instant touchée, sentie… réalisée, malgré les défenses de l’impossible.

Et tandis qu’il parlait, ses yeux avaient des lueurs phosphorescentes et des reflets intenses et changeants que regardaient avec étonnement les convives ; ses lèvres frémissantes, des courbes d’une volupté avide que rien ne semblait devoir assouvir. Il était beau et redoutable.

Mais tout à coup il s’arrêta, surprenant les regards de ses camarades, sans doute ; et, trouvant qu’il était monté bien haut, soit pour les oreilles qui l’écoutaient, soit pour la bonne fortune d’occasion qu’il racontait, il se prit à éclater de rire, d’un rire large et strident. Et :

— Bref, dit-il, les mystères de l’antre de la Sirène, autant que sa beauté, enfiévrèrent mon imagination.