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L’un avait enlevé à un rival de neuvième année la première valseuse de la Chaumière ; l’autre avait été admis dans la loge d’une actrice de l’Odéon ; celui-ci était amoureux de Mademoiselle Mars, et croyait être sûr de recueillir chaque soir une œillade ; celui-là avait été « distingué » par une grande dame de province et lui écrivait « poste restante » , etc…

– Moi, dit Jehan, j’ai eu Sarah Bertin.

Il y eut un silence, et les sept auditeurs se regardèrent.

Il faut savoir que « Sarah Bertin » était alors une des courtisanes les plus vantées de Paris ; et, disait-on, la plus chère. En ce temps-là , tout le monde ne connaissait pas de vue les impures célèbres et leurs prix n’étaient pas cotés comme aujourd’hui. — Mais, parmi les jeunes gens, on était au fait de ces choses.

À propos de Sarah Bertin précisément, on racontait une anecdote qui faisait rêver les cerveaux des pauvres étudiants.

Un grand seigneur de vingt ans, beau et aimable, avait désiré, paraît-il, lui être présenté. On lui demanda dix mille francs, et il obtint une soirée.

À l’aurore, quittant la belle, il s’était penché vers ses lèvres, et dans un baiser d’adieu plein de reconnaissance et de tendresse, il avait murmuré :

— À ce soir ?…

Et Sarah Bertin, cambrant son beau corps dans son peignoir de dentelle, renversant sa tête alanguie, tandis que ses cheveux se déroulaient sur son épaule blanche, avait répondu :

— Tu es donc bien riche ?