Page:Cadiot - Chateau-Gaillard.pdf/20

Cette page n’a pas encore été corrigée

— Eh bien, il me tuera… ou je le tuerai…

— Tais-toi ! et mourons ensemble avant son arrivée !…

— Fuyons plutôt !

— Et comment ? — Où ? — Dans mon état ? quand chaque jour j’attends ma délivrance ?

— Je t’en conjure ; calme-toi ; attends.

— Quoi ! n’as-tu pas compris ? Parti de New York le 12 avril, il a dû aborder au Havre peu de jours après cette lettre venue par voie anglaise et, par conséquent, retardée… Compte donc ! Qui sait ? à l’heure présente, il est en chaise de poste peut-être, et accourt du Havre à Paris. Attendre ? rester là ?… et d’heure en heure je puis redouter sa présence !

Lucien pressait en silence sa belle amie sur son cœur, mais il ne savait que lui répondre. Les vagues rassurances n’étaient pas de saison ; et, d’autre part, le coup était encore trop récent pour que les idées de salut eussent le temps de naître. Pendant une heure, à peu près, il demeura comme abasourdi, les yeux atones, le visage morne, cherchant à apaiser sa maitresse avec des caresses, comme on apaise un enfant qui pleure parce qu’il a du mal.

Mais c’était un homme. Sans savoir encore ce qu’il allait faire, il comprit qu’il fallait agir, défendre cette femme, la sauver.

Quand donc il eut rassemblé quelques idées, l’expression accablée de son visage s’effaça pour faire place à une expression grave et ferme. Sa parole prit un ton d’autorité. Il maintint doucement la malade dans son lit, enjoignit à la femme de chambre de faire