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moins constante et non moins générale, que des impressions trop vives, trop souvent répétées, ou trop nombreuses, s’affoiblissent par l’effet direct de ces dernières circonstances[1].

Le tact, continuellement exercé sur toute la surface du corps, reçoit trop d’impressions, et des impressions trop souvent capables de le rendre obtus et calleux. C’est pour cela que, quoique le sens le plus sûr, il n’est pas celui dont les impressions, dans l’état ordinaire, laissent les traces les plus nettes, et se rappellent le plus facilement.

Le tact est le premier sens qui se développe ; c’est le dernier qui s’éteint. Il est, en quelque sorte, la sensibilité elle-même ; et son entière et générale abolition suppose celle de la vie.

Le discernement du goût se forme lentement ; et il n’est rien de plus difficile, que de se rappeler ses impressions. La raison en est, que ces impressions sont de leur nature courtes, changeantes, multiples, tumultueuses, souvent accompagnées d’un désir vif,

  1. On dit avec fondement, que les impressions répétées jusqu’à un certain point, ne sont presque plus perçues ; mais, c’est uniquement par l’une des raisons qui sont notées dans le texte. Car, il reste toujours vrai qu’on apprend à sentir, c’est-à-dire, à remarquer et à distinguer les impressions qu’on reçoit ; que ces impressions sont mieux remarquées et distinguées, quand on y a donné plusieurs fois un certain degré d’attention ; et que c’est par l’enchaînement facile des impressions et des mouvemens, fruit nécessaire de l’habitude, que les unes et les autres ont enfin lieu, sans presqu’aucune conscience du moi.