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bien plus étendue. J. J. Rousseau, qui si souvent a peint la nature avec une inimitable vérité, dit que la gourmandise appartient à l’époque qui précède l’adolescence. Mais ce n’est que dans l’âge mûr, lorsque d’autres appétits commencent à n’avoir plus le même empire, que l’on devient exigeant et recherché dans ses repas ; et le véritable âge des Apicius est peut-être encore plus voisin de la vieillesse. Il est également certain que rien n’est plus difficile que de se rappeler, ou d’imaginer un goût particulier dont on n’éprouve pas actuellement la sensation.

Quelques courtes réflexions suffisent pour faire disparoître ce que ces observations présentent de singulier.

1°. Les impressions qui dépendent du manger et du boire sont souvent accompagnées d’un désir vif, qui les rend emportées et tumultueuses : on est plus enclin à les précipiter et à les renouveler, qu’à les goûter et à les étudier. 2°. Le sentiment de bien-être de l’estomac, qui s’y mêle immédiatement, empêche l’attention de peser beaucoup sur elles. 3°. Elles sont courtes de leur nature ; du moins, chacune a peu de persistance