Page:CPU - I, 012.jpg

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

que ce que nous y mettons nous-mêmes (p. 26). » D’où il déduit cette conséquence, contraire en apparence au but que poursuit la métaphysique : « Nous ne pouvons, avec cette faculté, dépasser les bornes de l’expérience possible (p. 26), » puisque la part que nous apportons à priori dans notre connaissance de la nature sert précisément à la rendre possible, et qu’en dehors de cet usage, elle ne saurait avoir de signification. Notre philosophe indique comme contre-épreuve de la vérité de ce résultat une sorte d’expérimentation qui « a, dit-il (note de la page 27), beaucoup d’analogie avec celle que les chimistes nomment souvent essai de réduction. » Elle consiste à éprouver les principes à priori de la raison en les considérant successivement sous deux points de vue différents : d’un côté, comme nous faisant connaître les choses telles qu’elles sont en soi ; de l’autre, comme nous les faisant connaître seulement telles qu’elles nous apparaissent en vertu des lois à priori de notre esprit, ou, d’un seul mot, à titre de phénomènes. S’il arrive que, dans le premier cas, ils donnent lieu à un véritable conflit de la raison avec elle-même, tandis que cette contradiction disparaît dans le second, il sera démontré que notre raison n’atteint que des phénomènes, sans pouvoir s’étendre aux choses en soi, lesquelles, bien que réelles en elles-mêmes, nous restent inconnues (v. p. 27), ce qui confirmera le précédent résultat.

C’est ainsi que Kant conçoit l’œuvre à laquelle il donne le nom de critique de la raison pure (spéculative), parce qu’elle porte sur les éléments à priori de la connaissance, dont elle a pour but de déterminer la valeur et la portée. Cette œuvre peut seule ramener la métaphysique à un état fixe (v. p. 29), en lui donnant une base vraiment scientifique. Qu’on ne lui reproche pas de n’avoir qu’une utilité négative : si elle est négative en ce sens qu’elle sert à nous empêcher de pousser la raison spéculative au delà des limites de l’expérience, elle est positive aussi, en tant qu’elle sauve la raison même, par conséquent la métaphysique, d’une ruine complète, et que, si elle restreint le savoir dans le champ de la spéculation, elle laisse la porte ouverte à la croyance dans celui de la morale (p. 30 et suiv.).

Je ne fais qu’indiquer ces divers points, parce que, pour les bien expliquer, il faudrait entrer dans des développements qui seraient ici anticipés ; je me borne donc à ces indication som-