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mieux que vous, sans doute, il a reconnu que son mal était incurable. Et pourquoi donc, à travers mille angoisses certaines, eût-il attendu sur cette terre un bonheur tardif et rare, quand il pouvait d’un coup d’aile s’élancer dans les sphères brillantes de l’avenir ?

Il est las de la monotone répétition de ses souffrances, il veut y mettre un terme par une mort prompte, il préfère une grande douleur qu’il peut choisir à ces mille douleurs invisibles dont la Fatalité le poursuit. Le stoïcien lui-même se fatiguerait d’endurer toujours les mêmes tourments, et l’altruiste le plus dévoué désespérerait tôt ou tard s’il ne pouvait remplir ici-bas qu’une mission de désespérance.

Il vous est facile de dire, ô philosophes ! qu’on en revient quand on veut ; que l’homme peut vaincre sa maladie, dominer sa pensée et conjurer la mort. Moi je soutiens qu’on le désire toujours et que rarement on y parvient, hélas ! Et je vous demande : ô forts de tête et de corps, pourquoi donc ne punissez-vous pas la folie, la misère, la fièvre, le délire, les maux chroniques et l’agonie ?… Ce sont, ce sont autant de lents suicides… Échappez-y !…


XXXI


318 Qu’on en soit bien convaincu, notre esprit ne conçoit pas une pensée qui ne témoigne d’un besoin de nos corps, d’une opération de nos âmes et