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Ils t’appellent ignorant, toi le grand ouvrier, qui donnes des conseils au poète et à l’architecte, toi qui peux exercer vingt métiers de ta main, toi qui fais des roses avec le platine, des cheveux avec le bois, des merveilles avec tout !

Ils t’appellent ignorant, toi que l’on voit décorer les façades des palais, élever des arcs de triomphe, sculpter de ton marteau des palmiers gigantesques, des fontaines jaillissantes, des fleurs délicates, des hommes d’armes, des canons, des glaives, des drapeaux, des croissants, des lauriers et des larmes !

Ils t’appellent ignorant, toi qui saisis les rapports de tous les arts, toi qui pourrais souder les anneaux innombrables de cette grande chaîne qui rattache l’ouvrier au sculpteur, le sculpteur au peintre, le peintre au poète, le poète au philosophe, l’homme à l’infini ! Toi qui sais animer la matière, lui faire prendre sous tes 570 doigts les formes les plus belles ! Toi qui conçois de sublimes pensées en tordant du fer ! Toi qui as tout appris sans maîtres, sans ressources ! Toi qui as puisé dans ta pauvreté même l’orgueil de la révolte, toi qui as tout sacrifié : femme, enfants, position à l’amour du juste ! Toi qui supportes vaillamment l’exil, toi qui passes les nuits et les jours sur un travail déprécié, toi levé quand ils dorment, toi veillant quand ils jouent, toi frappant quand ils causent ! Ils t’appellent ignorant… ignorant ! !

Oh blasphème, injustice ! Et voilà cependant les protecteurs des arts, les amis de l’ouvrier, ses