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créatures consentent à blanchir des atrocités noires en y participant ! Triste civilisation, celle qui corrompt à ce point les sentiments et les sens des jeunes filles que leur cœur ne se soulève plus à l’odeur du sang ! Préjugés immoraux, ceux qui font naître dans une âme de femme je ne sais quel caprice inqualifiable pour un vieux débauché, parce qu’il est empereur et peut tuer autant qu’il veut !

Oh qui ne s’affligerait de sentir une jeune et belle femme présider aux massacres de Décembre, aux déportations, proscriptions, emprisonnements en masse ? Qui ne s’affligerait de la voir trôner, ainsi que le Génie des tortures, sur des monceaux de corps râlants ! Qui ne souffrirait de sentir la main d’Ève dans la main de Judas ?

564 Espagnole ! Espagnole ! ta vanité t’a perdue. Trop souvent, dans l’arène, tu avais vu scintiller le sang vermeil des taureaux sur l’écharpe du matador. Et dès qu’on t’a présenté l’impérial manteau de France teint du sang mal versé, taché d’or mal acquis, tu l’as jeté sur tes épaules comme un éclatant costume de bal, charmée d’être plus riche et plus magnifique que tes compagnes !

Ah si tu t’étais montrée plus soucieuse de l’honneur que des honneurs ; si tu l’avais regardée de près, cette tunique de Déjanire que rien ne saurait plus détacher de tes bras blancs, tu aurais reculé d’horreur ! Tu te serais convaincue que la Beauté perd toujours en s’unissant au Crime, et que toutes les grandeurs de ce monde ne peuvent effacer