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les feuilles nouvelles. Un voile de vapeurs est étendu sur les eaux tranquilles, comme un drap mortuaire sur les formes transparentes des enfants. Le long murmure des êtres ressemble au bâillement de la Mort qui s’éveille !

Prends garde, ô jeune fille ! ne t’éloigne pas ainsi de tes compagnes. Vois-tu cette goutte de sang dans le fleuve limpide ? C’est le dernier regard du soleil fatigué, l’œil rouge de l’oiseau de proie qui demande son festin ; c’est la bouche altérée de l’abîme qui s’entr’ouvre pour engloutir. — Car toujours la Terre dévore les derniers-nés de ses entrailles : les fleurs à peine écloses, et les jeunes filles, et les enfants !


Une mystérieuse lumière s’étend sur les cieux. La reine des nuits paraît aux limites de son empire, les corolles des fleurs se ferment sur la rosée d’en haut. Le Silence descend de son trône d’ébène.

Prends garde, ô jeune fille ! Il vient plus d’enfants à la nuit qu’au jour. Et la pâle Déesse des soirs soutient seule dans les souffrances de la maternité les femmes déçues. Prends garde que ton cœur ne se heurte contre un amour grossier ! Ne vois-tu pas que les branches des arbres étendent leurs ombres en travers de tes pas pour te prévenir contre les mauvaises rencontres ?


Sur la route passent de jeunes garçons, des blonds et des bruns. Ils racontent leurs conquêtes