Page:Cœurderoy - Jours d'exil, tome III.djvu/452

Cette page a été validée par deux contributeurs.

la fenêtre ; — que je les menace, ils iront me dénoncer ; — que je leur crache à la face, ils s’essuieront d’un mouchoir volé chez quelque pauvre fille ; — que je leur jette des pierres, ils feront gros dos ; — que je cherche à les noyer, ils sont si pleins de vin et de santé qu’ils surnageront toujours ; — que je veuille les marquer au fer rouge, leur graisse rance les préservera. — Je vous le dis, jamais on ne peut se débarrasser d’un mouchard qui vous piste ; c’est plus tenace que la poix, plus plat que la punaise, plus répugnant que l’araignée, mille fois moins fier qu’un pou !

Souvent je me suis demandé si ces malheureux avaient encore des mères, comment ils pourraient supporter leurs regards, et ce qu’ils leur répondraient, aux pauvres femmes, quand elles viendraient leur demander compte de l’honneur de leurs noms ? Je me suis demandé s’ils tenaient à la vie de celles qui leur ont 555 donné le jour et s’ils avaient oublié qu’on meurt de honte ! Et j’ai espéré pour eux qu’ils n’avaient plus de mères !


Je sais qu’à la rigueur on peut être préfet et ne pas se croire voleur ; six mille ans d’injustice ont tellement faussé la notion naturelle du droit qu’il suffit maintenant d’un uniforme pour couvrir et justifier les actes les plus coupables. Quand les hommes voient passer le plus épais des rustres revêtu d’une livrée gouvernementale quelconque, ne fut-ce que d’une plume au derrière, ils saluent en s’inclinant jusqu’au sol, se sauvent à