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revenait. Elle était lasse des jeux, des danses et des chants de la journée. C’était la fête de Saint-Jean.

Prends garde, ô jeune fille ! ne t’écarte pas ainsi de tes compagnes. La Joie glisse sur le matin de notre vie comme l’aurore souriante, sur la cime des monts. Mais ensuite viennent le Travail et la Peine qui nous mûrissent et nous consument : les feux ardents du jour brûlent sans pitié l’herbe des champs ! — La douleur tue !

293 … Pour qui ces chants d’allégresse ? Pour qui le carillon des cloches bavardes, les fleurs écarlates dans la chevelure des vierges, les habits de fête, les arcs de triomphe, les grands feux de houx, les dépouilles de la nature sur la route sablée ?

Serait-ce pour la pauvre fille aux pieds mignons ? Non, c’est pour la reine de Sardaigne, de Chypre et Jérusalem ; déjà ses blancs coursiers hennissent dans les gorges profondes.

Prends garde, ô jeune fille ! ne t’écarte pas ainsi de tes compagnes. Range-toi sur le chemin des rois. Car les mêmes hommes qui se prosternent sous les roues de leurs chars ne te relèveraient pas, toi pauvre, si tu glissais sur une feuille de rose. — La Pauvreté, c’est le Crime !


Pareil à l’ange tentateur, le Soleil se couche dans les nuages sombres, provoquant les mortels aux doux mystères des nuits. Du fond des abîmes les vents du soir s’élèvent, dispersant dans l’infini