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du jour. Elle avait dix-sept ans, l’ouvrière diligente. Le travail de la semaine suffisait à sa vie. Le dimanche, elle courait avec ses compagnes par les collines ombreuses qui bordent l’Éridan.

— Éridan ! nom fameux qui me rappelle l’histoire de mes semblables remplie de guerres, de trahisons, de malheurs ! Dans tes ondes vertes je vois du sang ; sur le sable de tes rives je retrouve les pas des ravageurs fameux : Annibal et César, Attila, Bourbon, Philibert-Emmanuel, les deux Eugène et Napoléon. J’entends les Alpes voisines trembler sous le poids des armées envahissantes ; les feux infernaux mugissent indomptés : les jours de deuil vont revenir. Écartons ces images. —

Joyeuse, insouciante, naïve dans sa superstition comme toutes les jeunes filles, Marina demandait à la marguerite des montagnes les secrets de son avenir. Serai-je heureuse, disait-elle ? Et la blanche prophétesse du pauvre répondait invariablement : point du tout !

Et de colère, la jeune fille froissait dans ses petites mains brunes la pauvre fleur, et la jetait aux eaux du fleuve qui bientôt l’avait submergée. — Funeste vertu que la Franchise ! Plus funeste encore le don de Prophétie !


II


Par une tiède soirée de juin, le long du chemin rapide qui conduit de Turin à Chieri, Marina