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et en sortir comme il me convient, exempt d’extrême-onction et de baptême !


Humanité routinière et lâche, combien de temps encore fléchiras-tu l’échine sous le drap noir que les prêtres et les gouvernants tendent sur ton passage ? Combien d’étapes encore fourniras-tu dans l’eau bénite et le sang ? Vois-tu les animaux des forêts venir, comme les hommes, déclarer leurs naissances, leurs unions et leurs morts au bureau de plus fort qu’eux ? Les vois-tu confesser, comme des péchés, les secrets de leurs familles, honteux, rougissants, ne sachant quelle contenance tenir, froissant entre leurs doigts les poils de leurs moustaches ? Vois-tu qu’il leur soit demandé compte, comme à nous, du nombre de leurs petits et de leurs moyens d’existence ? Vois-tu qu’on leur assigne une place pour se reposer, quand ils tombent sur le sein de la terre, fatigués du poids de la vie ?

Ah que de fois je serais tenté de dire avec Jean-Jacques : retournons à la sauvagerie primitive ! Et que de fois je m’écrie comme Guerrazzi, le chantre moderne de la grande Florence : « Les animaux ont aussi leurs passions, et souvent moins mauvaises que les hommes. Nous, quand nous voulons outrager un homme, nous l’appelons bête. Si les bêtes possédaient la parole pour s’injurier, combien de fois elles se diraient : homme !… Et avec plus de raison que nous. » (Assedio di Firenze.)