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times prédestinées de la tyrannie, de l’usure. Ce sont les hommes qui refusent de s’associer aux brigandages des autres, à leurs parjures, à leurs assassinats légaux ; les raides, les aigus, les importuns qui se lèvent sans cesse devant les sociétés, comme l’éternel remords de leur conscience en peine !

Ce sont les proscrits… Ceux qu’on dépouille, qu’on traque comme loups ; qu’on expédie, d’un continent à l’autre, avec beaucoup moins de précaution que des ballots de marchandises ! Ceux parmi lesquels on pêche comme en vivier, on fouille comme en battue : jusqu’à ce qu’il n’en reste plus un pour crier Liberté ! Ceux contre qui l’on déploie rigueur et courage parce qu’on n’a rien à craindre de leur isolement et de leur faiblesse ! Les petits cadeaux que les gouvernements se repassent pour entretenir leur amitié sacro-sainte ! Les jouets vivants qui servent à divertir des princes à demi-morts ! Ceux que tous les ânes, pourceaux et mâtins, mangeurs de budget, cherchent à toucher, à repousser du pied ! Ceux qui sont hors la vie, hors la mort communes, parce qu’ils ont juré de conquérir le droit de vivre à tous !

Je songe enfin que je suis un de ces hommes… Et que je n’ai qu’un droit contre cette société : droit de conscience et de dignité fière, droit du plus faible et du plus outragé, le triste droit de 542 dévorer l’insulte dans le silence des nuits, de serrer les poings sur mon cœur, d’accumuler des haines et de me promettre une vengeance terrible