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on n’est plus 540 éveillé la nuit par le galop forcé du coursier de bataille. Et les jeunes filles s’en vont gaiement danser sur les montagnes, à la clarté de la lune, sans craindre des ravisseurs inconnus.


— Ne ris pas, lecteur. Mon imagination n’a pas trouvé seule ce que je viens d’écrire. Mais ce conte est le sombre reflet des drames trop réels auxquels se heurtent chaque jour les pieds du penseur qui traverse le monde et sent battre son âme dans son sein.

Jeunes filles ! ne vous endormez pas sous les lustres des bals, dans les bras des vieux chevaliers de la valse ! —


VI


Abîme, abîme ! Que de victimes a dévorées ta rage ! Combien tu as pris de jeunes filles sur le coup de minuit, quand leurs fiancés leur pressaient la main ! Combien de jeunes hommes qui tendaient bravement leurs voiles contre la tourmente ! Tu as attiré le pêcheur et le batelier, rudes gens qui cherchaient leur vie dans tes ondes ; le proscrit qui se reposait un instant sur tes rives ; l’enfant joueur qui ne savait pas nager ; le vieillard dont l’expérience en avait détourné tant d’autres de tes pièges mortels !

Elles s’étendent sur leur butin ; elles courent, elles courent, les vagues bleues ; le frisson les rend