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sons du rivage les bonnes femmes s’agenouillent saintement ; l’Écho grelotte dans sa robe grise et redit les monotones exorcismes du clergé savoyard.

Un bond, un bond encore ! Les voilà suspendus entre le ciel et le gouffre ; l’eau tourbillonne, écume d’allégresse ; un éclair aveugle le Chevalier qui pousse des cris de rage. En avant ! En avant !


Comme un bloc de granit détaché du flanc des monts, le groupe vivant s’enfonce dans les flots qui ramènent sur lui leur vert linceul. Le lac pousse un long soupir de ravissement, il tient sa proie ; il ne la rendra plus !

Sans doute, hélas ! le Chevalier va coucher la bergère des Alpes dans son lit de pourpre, et puis après, dans un des cercueils préparés pour recevoir les victimes de ses fougueux transports.

Le Silence dormeur s’étend un instant sur les traces que le Crime a laissées à la surface des eaux…


Une heure après, sous le ciel étoilé, sur l’eau phosphorescente, un pêcheur dirige sa barque légère en chantant ses amours. Aux rayons de la lune il distingue deux corps qui paraissent et disparaissent à chaque instant. Il les atteint en deux coups de rame, puis à grands efforts, les couche au fond de sa barque.

L’un respire encore, le contemple avec toute la passion que donne un premier amour, et meurt…