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effrayée dans les longues boucles de ses cheveux.

Pauvres enfants ! Aujourd’hui vous avez encore la santé, l’innocence, le bain limpide, le chaud soleil, et sous vos montagnes aimées, un abri pour le soir. Puissiez-vous ne pas pleurer tout cela quelque jour ! Puisse l’Émigration à la jambe maigre, la vieille marcheuse en haillons, ne vous conduire point dans les cités lointaines ! Puisse-t-elle ne point vous livrer, la recruteuse infâme, à la prostitution, au mal, à la nostalgie, aux nuits sans sommeil, aux jours sans pain. Gardez-vous de la Cupidité, la conseillère barbare qui conduit aux abîmes. Aimez, et vous vivrez auprès de qui vous aime, au rustique foyer. L’Amour est assez fort pour racheter de la Mort !

Gloire à toi, saint Amour !


Le soleil s’endort, illuminant les entrailles du granit et les ondoyants panaches des sapins. Frappé par les vents, le peuple des joncs sonores élève dans les airs ses mille voix frissonnantes :

« Nous sommes les premiers-nés de la terre vierge qui dort au fond des eaux. Nos nourrices sont les vagues qui nous couvrent de leurs langes transparents et nous bercent mollement au murmure de leurs lèvres. Nous sommes beaucoup d’enfants ; la jeune Terre, notre mère, est maigre et prisonnière dans les abîmes humides ; elle nous envoie vers le jour et l’air comme autant de soupirs d’espérance. Nous marchons à la conquête de l’élément limpide comme, parmi les hommes, les