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Comme un vieux grenadier sauvé de la campagne de Russie, l’Hiver s’est enfoui dans son manteau de neige. Longtemps séparé de la terre qui le pleure, le soleil revient s’étendre dans la couche de l’épouse ; il fait rougir les roses et les cerises sur ses heureuses joues. La robuste Savoie semble parée pour des noces. Elles a ses ruisseaux pour collier d’argent, ses forêts de pins et de châtaigniers pour couronne ; le firmament est son voile d’or et d’azur ; les nuages ceignent ses flancs d’une écharpe légère. Le rossignol parle d’amour quand les cloches des hameaux sonnent les complaintes de l’Angelus et du Couvre-feu. C’est à ces heures dangereuses que l’esprit vient aux filles…

Gloire à toi, saint Amour !


533 Lorsque déclinent les ardeurs du jour, les petites filles baigneuses suivent le bord des prés. Elles recueillent des scabieuses et des renoncules, les étendent sur l’herbe et dansent autour en se déshabillant. Comme des nymphes surprises, elles serrent, au moindre bruit, leurs chemises de toile sur leurs épaules blanches, tâtent l’eau de leurs pieds mignons, se sauvent, reviennent en poussant des cris joyeux et de longs éclats de rire. Enfin les y voilà jusqu’au cou, les petites folles. Celle-ci veut faire des ricochets avec des cailloux plats ; celle-là poursuit les vertes demoiselles ; l’audace de la plus grande excite l’émulation de ses compagnes ; la plus jeune cache sa figure