La carpe dorée vient dormir sur les ondes. Oh que le poisson 532 est heureux dans l’eau ! Rien n’arrête sa course rapine ; il n’est point fatigué du contact de ses semblables ; il ne parle pas : c’est une peine de moins qu’il se donne pour arriver au même but que les hommes bavards. À lui l’air et le soleil pour épancher sa joie ; à lui les pierres et les abîmes pour cacher sa tristesse. À lui les insectes aux ailes d’argent ; à lui les petits innombrables enfantés sans douleur en un jour de soleil.
Gloire à toi, saint Amour !
Le pêcheur chante :
« Quand le soleil est bon, quand l’oiseau dort sur l’arbre,
Quand le poisson joyeux songe à l’amour dans l’eau,
Quand la brise des monts, en courant sur le marbre,
Devient fraîche et douce au repos :
» Moi je rame et je sue, et pour ne pas mourir
Je présente la mort à plus faible que moi.
Ainsi passe la vie : souffrir force à souffrir,
Le crime a pris force de loi.
» La joie n’est que dans la tombe,
Le sommeil, que dans la nuit ;
Tout le jour l’homme succombe,
Son dur labeur est maudit !
Nous n’avons plus sur terre
Qu’un seul plaisir permis :
De faire
Des enfants à minuit.
» Gloire à toi, saint Amour ! »