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ô prolétaires, que vous regardez comme les plus dévoués de vos défenseurs ! ![1]

Tant que le Travail ne sera pas pour tous ce qu’il est aujourd’hui pour moi, délassement et volupté ; tant qu’il y aura misère, oppression, guerre et parasitisme dans les sociétés aux mamelles flétries… ne te repose pas, ô mon âme ! ne te fais pas complice du crime ou seulement de l’indifférence des heureux de ce monde.

Bonne est la poésie riante pour les hommes heureux, pour les sociétés justes, pour les temps de paix et de liberté. Le rossignol respecte la tristesse de l’hiver, il ne chante ses amours qu’aux belles nuits de printemps. Je ne veux pas non plus insulter à la misère de ceux qui souffrent ; j’aurais plutôt honte de ne point la partager !

Il ne m’est pas donné d’alléger leurs privations matérielles : personne ne le pourrait. Tout ce qu’on jette de liberté, de fortune et d’avenir à l’abîme des douleurs modernes ne profite, forcément, hélas ! qu’aux traitants et aux despotes. L’aumône est insultante, et le sacrifice inutile aujourd’hui. Le fer ne se brise qu’avec le fer, l’argent ne cède qu’à l’argent ; la misère ne peut guérir que par l’excès de la misère. Il faut que le Mal, l’Iniquité, l’Humiliation, et la Faim, et la Désespérance grandissent, grandissent encore ! Il faut qu’elles ravagent les sociétés comme des louves pressées de fringale ! Oh du moins, puisqu’il en est ainsi ; puisque,

  1. V. la Cornélia d’Alfi de M. Eugène Sue.