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d’amour ? Que me font le présent et le passé, les hommes et leurs querelles, et leurs discours trompeurs ? En quoi me toucherait toute la gloire qu’ils donnent ou toute celle qu’ils promettent ? J’ai perdu jusqu’au souvenir de mon nom, jusqu’à la conscience de ma nature humaine ; 524 je ne sens plus battre mes artères ; ma poitrine se soulève à peine.

Europe ! ô misérable arène d’ambitions furieuses, tu peux verser ton sang dans des guerres insensées ! Moi j’ai prévu ton sort, j’ai voulu conjurer le coup qui t’attendait : et tu m’as lapidé !

Et tu m’as lapidé !… Maintenant je suis las, je dors, et je rêve, et je chante :

« N’effacez pas, ô vagues, le sillon des nacelles joyeuses ! Brise, n’emporte pas le parfum des haleines unies ! Je veux mourir sur l’eau. L’eau, c’est la vie, la joie, le Léthé des douleurs, le baume à la blessure, la fraîcheur à la fièvre, la pureté, la résurrection pour ceux qui sont morts, le miroir de l’Avenir et de l’Infini. — L’eau, c’est la liberté ! »


III


Ô Savoie ! j’aime ta sauvage nature, promettant la fécondité comme une vierge amoureuse ; j’aime les douces brises de tes montagnes parfumées d’infinies senteurs ; j’aime ton ciel qui rappelle les matinées de Naples et les soirées d’Irlande ! J’aime ta grandeur et ta force !

Oui, j’aime le pays des Alpes décharnées et des