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— J’ai découvert l’horrible réalité de vos souffrances, ô travailleurs ! 519 Je les ai dites comme elles sont afin d’allumer la rage en votre cœur, afin qu’elles soient imprimées une fois et ne puissent plus être démenties par personne.

J’ai marché jusqu’au bout le chemin de votre


    des lois de la vie ; je demande s’ils ne sont pas oubliés aussitôt que retenus par cœur, et s’ils trouvent jamais leur application dans la pratique ordinaire ?

    Quand renoncera-t-on donc une bonne fois à la stupide prétention de faire des encyclopédistes avec tous les petits paysans qui pleuvent à Paris chaque année des parties les plus éloignées de l’empire pour se faire raboter un peu. Je veux bien que la nation frrrançaise soit délicate, sensible, intelligente et maligne entre toutes ; mais enfin chacun de ses membres ne peut espérer devenir un monstre de savoir un immortel, un académicien !

    Pour ma part, je suis persuadé que les dissections nombreuses et assidues ne sont nécessaires qu’aux chirurgiens, physiologistes, micrographes, oculistes, et autres espèces particulières. À ceux-là suffiront amplement les corps qui leur sont légués par des dons spéciaux. Au surplus, qu’ils s’en contentent ou pas, qu’ils s’arrangent comme ils voudront, ils n’ont pas le droit de toucher aux autres et de faire payer l’impôt de la mort, le tribut des corbeaux, aux malheureux si crucifiés déjà tout le temps de leur existence !

    Je viens de dire que les anatomistes hériteraient des cadavres pour exercer le talent de leurs doigts. Je ne crois pas être utopiste, en effet, lorsque j’avance que dans un quart de siècle, les hommes rassurés sur la future destinée de leurs âmes n’attacheront plus une aussi grande importance à la conservation de leur argile dans un lieu consacré.

    Moi-même, bien qu’il me fût plus agréable de reposer après ma mort dans le lit bleu des eaux, je n’hésiterais pas cependant à léguer mon corps, s’il devait leur faire grand plaisir, soit à mon bon cousin et ami le docteur Charles Viard, soit à mon ancien camarade d’internat, l’habile professeur Broca, soit au savant et célèbre ophthalmologiste