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Régalez-vous, Mesdames, voilà le plaisir !

Et quand ces pauvres morts ont subi les profanations de la curiosité vaine, il leur faut encore être souillés par la cupidité grossière. Après la grimace du singe, le coup de pied de la bête de somme ; après l’étudiant, le garçon d’amphithéâtre. Celui-ci malpropre, malôtru, malhonnête, malsain, hideux salarié de la mort, passe tous les soirs la revue des tables de travail. Restes d’hommes et d’enfants, tronçons de femmes et de vieillards, côtes, cristallins, ongles et poils, quarts de génitoires et moitiés de mamelles, ils rassemblent tout ce qui a servi dans une serpillière étroite, tellement ordurée que le diable ne la toucherait pas du fin bout de sa queue longue. C’est une confusion, une abomination, une répugnance, une pestilence dont rien ne peut donner une idée ; c’est à faire vomir un croque-mort !

Régalez-vous, Mesdames, voilà le plaisir !

Combien de fils de famille se forment l’esprit et le cœur à cette grande école ! Ils en sortent ignorants, pédants, outrecuidants, docteurs enfin. Ils croient posséder le secret de l’existence parce qu’ils savent le siège précis du cœur et de la glande pinéale ! Ils se figurent connaître les causes de la maladie parce qu’ils constatent les désordres qu’elle produit ! Ils traitent les vivants comme ils écorcheraient les morts ! Il ne se rendent pas compte des ressources vitales ; ils affichent un souverain mépris pour la science humanitaire et voudraient substituer leurs petites formules aux grandes lois