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pose maintenant au public, leur a porté le coup et veut cacher son crime en lavant ces victimes !

Ce vieillard s’est noyé parce qu’il n’avait plus de pain ! — Cet artiste s’est pendu parce que la majorité de ses confrères a diffamé son cœur et nié son talent ! — Cette jeune fille a vu l’amant que préférait son âme devenir le mari d’une autre femme, et ne pouvant veiller dans les transports d’amour, elle a voulu s’endormir dans la tranquillité de la tombe !

Et pourquoi le pain manque-t-il aux vieillards ? — Pourquoi les encouragements sont-ils refusés à l’artiste ? — Pourquoi la beauté, la santé, les qualités du cœur ne comptent-elles plus dans les balances qui pèsent la fortune ?

Et pourquoi tous n’ont-ils pas droit au travail, droit à l’instruction, droit à l’amour ? Pourquoi la propriété, les autorités académique et familliale ? Pourquoi la souffrance de l’estomac, l’humiliation de l’intelligence et du cœur ? Pourquoi le long supplice de Caïn, la mort sanglante d’Abel ? Pourquoi le mal, le meurtre, la guerre ? Pourquoi l’outrecuidance du riche, la dépression du pauvre ! Pourquoi l’indigestion et la fringale ? Pourquoi la mort de l’homme par l’homme ?!…

L’Enfer est sur la Terre ! Porte ta croix, ô prolétaire ; travaille, travaille ! Donne la riche écume de ton sang pour la mousse amère des boissons frelatées ; donne la fine fleur de ta vie contre la mouture de la farine, contre du pain noir !