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la suprême justice, celle qu’on apprend, qu’on enseigne dans un baiser, celle qui rend belle et bonne toute créature vivante !


Vous aurez visité les derniers asiles du pauvre ? Vous vous 511 serez arrêtés à l’Hôtel-Dieu, à l’Hospice de la vieillesse, à la Morgue, devant l’Amphithéâtre ? Alors, dites-le, n’avez-vous pas souffert, n’avez-vous pas pris peur ? Êtes-vous restés sans émotions, vous sang et nerfs, alors que la corde des guitares peut frémir sous la pression d’un doigt ?

Ah malheur à vous si jamais vous n’avez pleuré sur les infortunes des autres ! Malheur à vous si vous avez ri de bon cœur quand sanglottaient les pauvres ! Car la charité, la vengeance, la haine du mal, l’amour du bien, c’est la même passion. On ne la calcule pas, on l’éprouve. Aujourd’hui c’est tout le contraire ; on ne sent rien, on spécule sur tout ; les philanthropes sont les plus durs des hommes, ils ne secourent que les hypocrites et les esclaves qui leur ressemblent. Le fier artisan ne peut rien attendre de personne !

Travaille, travaille, porte ta croix, ô prolétaire ! — L’Enfer est sur la Terre !


Encore quatre stations à fournir et nous arrivons au sommet du Golgotha moderne ! Il en est temps ; la fatigue me gagne, et moi qui ne soutiens cette lourde croix que du bout de ma plume, je me sens épuisé.