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XIII


« Car voici le moment de la débâcle humaine ;
La Morgue va pêcher les corps que l’eau promène ;
L’égoïsme, en sultan, jouit et règne ; il a
Des crimes à cacher, et son Bosphore est là. »
Hégésippe Moreau.


Quel bénéfice retire l’artisan du travail qu’il fait sous le soleil ? À quelles mers sans fond coulent ses sueurs et ses larmes ? Qui lui connaît une consolation, un délassement, un heureux asile pour ses vieux jours ? Qui lui sait un espoir, un soutien ?

Quand il est seul, le pauvre, personne ne lui vient en aide dans la maladie. Pour arriver à sa mansarde, les femmes craindraient 510 de fatiguer leurs petits pieds, les rêves heureux saliraient le bout de leurs ailes ?

Et quand il est père, sa souffrance est centuple. Car l’enfant est trop faible, la femme trop sensible pour ne pas désespérer. Car la Faim crie toujours, et l’Opulence n’entend jamais. Car le Monde est trop vieux pour ne pas se faire ermite, sourd, avare et sans entrailles. Car les hommes en sont venus aux dernières pratiques de l’hypocrisie. Ils ne se plaignent pas quand ils souffrent pour faire croire à leur courage ; ils se plaignent quand ils voient souffrir pour faire croire à leur pitié. Ils n’éprouvent rien de ce qu’ils feignent ; ils ne sont ni compatissants ni braves ; la misère réelle pèse