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Je suis enfoncé dans le gazon des printemps jeune et tendre encore. Ma tête s’appuie sur mes bras croisés, et mes yeux regardent les brillantes sentinelles de la terre, les étoiles tremblantes, qui se rendent, les unes après les autres, à leur poste accoutumé.

Je me prends à rêver. Il me semble que je suis dans la fosse commune, parmi tous ces cadavres ! J’ai froid, je nage dans un océan de vermine : c’est un songe affreux !

Toutes ces boîtes de sapin serrées, tassées les unes contre les autres, s’agitent, tremblent, éclatent sur place. Ceux qu’elles renferment ne peuvent se dégager de la pression qui les torture. Horreur ! les os sont aplatis, déformés, pénétrés par les os !

Les malheureux cadavres tentent des efforts inouïs pour se relever. Ils insultent, blasphèment ; la souffrance leur arrache des exclamations que jamais on n’entendit nulle part. Le bruit qui sort de cette fosse maudite est tellement prolongé, lugubre, épouvantable, 507 qu’à la ronde les chiens errants, les oiseaux de nuit et les voleurs n’osent point approcher.

Et moi j’entends, hélas ! distinctement ces plaintes déchirantes et confuses :

« Pourquoi serres-tu si fort ? — Retire les ongles de tes pieds des prunelles de mes yeux ! — Je manque d’air ; la terre et les cercueils pèsent sur mon corps d’un poids épouvantable ! — Je suis pris entre les planches de ma bière ; j’allais m’é-