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N’est-ce point assez d’épreuves ? Faut-il encore que le pouvoir reste maître de tourmenter nos derniers moments ? Lui permettrons-nous longtemps de violer ce qui est plus précieux qu’un testament, ce qui devrait être le plus sacré des cultes, je veux dire la suprême aspiration de nos âmes quand elles s’envolent aux régions infinies ? Notre corps sera-t-il privé toujours d’une sépulture paisible au sein des éléments ? Ne pouvons-nous donc comprendre qu’un Gérard de Nerval, par exemple, soit libre de laisser pourrir dans un égoût ses dépouilles mortelles, s’il attache à cette sorte d’inhumation quelque idée philosophique ? Souffrirons-nous encore, et puis encore que la gent officielle vienne mêler ses réclamations cupides, son formalisme et ses patenôtres à l’explosion première de la douleur des survivants ? !

Si du moins l’Autorité faisait valoir elle-même les terrains de sépulture qu’elle concède ; si travailleuse, soigneuse, elle les fouillait de ses ongles crochus ; si seulement elle rendait une rose, une marguerite à ceux qui sont sous terre pour tout l’argent que payent ceux qui demeurent dessus ! Si le gouvernement honorait ou laissait honorer les morts que nous aimons ! S’il nous était permis de leur rendre un autre culte que celui des cantiques latins marmottés par les prêtres !

Si l’ignoble sergent de ville ne souillait point de sa présence infecte le saint asile des tombeaux ! Si du moins nous étions à nous après le dernier soupir ! !