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travail ingrat, il cherche des compensations dans les seules joies qui lui soient laissées ; il finit de s’épuiser la nuit. Dans ces embrassements maudits du Travail et de la Pauvreté sont conçus des enfants malingres, rachitiques, proie certaine des lentes maladies et de la misère triste. — « Celui qui n’a pas été n’est-il pas plus heureux que les vivants et les morts ? Du moins il n’a pas vu les méchantes actions qui se font sous le soleil. »


Dans des âges moins cruels, la multiplication de la famille travailleuse assurait sa richesse. L’homme robuste, la femme féconde, le couple prolétaire, méritaient bien de la patrie romaine qui récompensait leurs services et recueillait leurs enfants dans ses légions conquérantes, riches de butin. S’il ne donnait pas à ses serfs la liberté d’aller et de venir, le seigneur du moyen-âge ne leur laissait pas du moins celle de mourir de faim. Ses intérêts exigeaient qu’il en prît soin pendant toute leur vie, car ils étaient sa famille ou tout au moins sa chose. Aussi leur mesurait-il son attachement en raison de leur fécondité.

Aujourd’hui la population prolétaire pullule plus vite que le chardon des champs. Elle jette sa graine aux chaudes heures de 496 la nuit comme la plante fourragère aux brises du soir ; et tout est bon à sa bonne semence. Sur la planche et la pierre, sur la paille, sur les haillons, dans les mansardes calcinées, dans les soupentes humides, l’enfant du pauvre pousse comme champignon,