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juif, pas un valet qui consente à le présenter dans les maisons honnêtes !


Par les soirées d’hiver, quand les heures sont des siècles, quand le vent balance la mansarde dans ses hurlements sinistres, quand le travail est rare, que le feu manque au foyer et le pain sur la planche, quand le père de famille compte avec désespoir ses enfants qui n’ont pas mangé…

Alors la pauvre mère maudit la fécondité de son ventre et regarde sa fille en pleurant : « tu es jeune, tu es vierge, lui dit-elle, et tout cela se vend ! Les riches, qui nous font tant de mal, 490 te donneraient, si tu les voulais, des baisers et de l’or !… Tout plutôt que mourir ! »

Et l’enfant est sortie, la pauvre enfant ! Longtemps elle court par les rues blanches de neige, sans chaussure à son pied ! longtemps elle tourne, retourne près des repaires écartés où le vice tient sa cour. Elle ressemble au beau papillon du soir qui voltige, tremblant, autour des lumières sombres, avant que de mourir. Plusieurs fois elle recule, glacée d’épouvante, quand elle entend les chants lubriques, les trépignements de colère, les jurements, les sanglots qui éclatent dans ces lieux maudits. Enfin, pâle d’horreur, mourante, elle franchit le seuil qui la sépare de la vie. La porte des enfers se referme sur sa proie ; le monde ne la reverra plus !

L’Enfer est sur la terre !