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qui s’ouvre seulement jusqu’où le veut son maître. Il faut donc que nous nous retrouvions sur le sommeil et la vie de l’ouvrier, car lui ne peut ni cesser de travailler, ni débattre les conditions de son labeur. Il faut que nous gagnions l’aisance de notre oisiveté sur l’excès de son travail — Richesse oblige ! »

Voilà pourtant, prolétaire, jusqu’où tes exploiteurs en sont 485 arrivés de cynisme et de barbarie froide ! Il se poussent les uns les autres sur cette pente glissante, le moins mauvais est entraîné par tous. En civilisation le cœur ne compte plus, la concurrence est inexorable. La bête de somme est moins à plaindre que toi, prolétaire. Vois plutôt :

Le sommeil est d’absolue nécessité pour la conservation de ton être ; mais si tu dormais, leurs fortunes ne s’accroîtraient pas au gré de leurs cupidités monstrueuses. Donc tu ne dormiras pas, donc leur capital s’accroîtra toujours, donc la durée de ta vie diminuera sans cesse, donc le plat écu vivra de la mort du bras musclé. Où s’arrêteront tes bourreaux ? Ou plutôt, quand les arrêteras-tu ? Quand enrayera ce mécanisme meurtrier ?…

Le jour où ils viendront te demander sur l’heure la vie qu’ils te prennent en détail, la leur donneras-tu, prolétaire, ô mon frère ? Verra-t-on sur nos places, marchander la chair de l’homme comme celle du pourceau ?…

Je n’oserais répondre du contraire. J’affirmerais bien plutôt qu’ils te proposeront l’infâme