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de soins et de sacrifices. — Le berger se réchauffe aux premiers rayons de chaleur qui descendent dans les vallées ou sur le flanc des monts. — Tout le long du chemin poudreux s’en va, pieds nuds, trottant, la jeune fille qui porte sur sa tête le maigre déjeuner des moissonneurs. — Le robuste compagnon se lève au crépuscule pour continuer son tour de France. — Au bord des eaux, appuyé contre un saule, un pauvre vieillard jette en vain son amorce aux poissons défiants. — Là bas, là bas, le braconnier poursuit un lièvre blessé et se heurte au garde du seigneur. — Le bûcheron monte à la cime des futaies, sur les acacias aux 482 épines meurtrières. Ses mains saignent ; il tombe, s’enfonce deux côtes dans la poitrine et le crâne dans le cerveau !

L’Enfer est sur la terre !

Ce n’est rien le matin. Quand vient l’heure de midi, pas un nerf de l’homme n’échappe aux torrides ardeurs qu’exhale le soleil. La sueur du travail fertilise les sillons ; elle y répand le sel et l’eau. Les fruits savoureux se balancent aux rameaux trop chargés, les ruisseaux coulent sur les pentes, la fraîcheur étend son écharpe diaphane sur la lisière des bois.

Mais l’ouvrier est fils de Tantale et de Niobé, l’infortunée thébaine ! Ce n’est pas pour lui qu’il sème et récolte ; ce n’est ni pour lui, ni pour ses enfants que la Fortune épanche sous les cieux son urne d’abondance,… l’injuste Fortune qu’il n’y voit goutte ! — L’Enfer est sur la Terre !