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ou sept personnes avec sa paie du jour. Car les femmes et les enfants ne reçoivent pas cinquante centimes en moyenne quand ils travaillent, et c’est rarement qu’ils trouvent à gagner leur vie. — Travailler, jeûner, veiller, mourir : c’est le refrain de l’indigence !

Il y a tant de cupidité dans ce pays qu’on a calculé jusqu’au dernier morceau de pain indispensable à la réparation de la machine ouvrière, et que jamais il ne lui est donné plus. — Ô désolation, profanation de la nature humaine ! On graisse l’instrument, on maigrit l’ouvrier. Et bien souvent l’un est réduit à lécher le fer crasseux de l’autre !


Il y a tant de cupidité dans ce pays que l’homme cultive, récolte et vend les fruits de la terre sans plus y goûter que le panier qui les contient. Le vigneron ne connaît pas la saveur du raisin, le fermier porte le beau froment au marché et se gonfle de mauvaise farine d’orge et de maïs. Les travaux des champs sont plus dépréciés encore que ceux de la ville. Dans les villages, bien des enfants, bien des vieillards meurent de faim : on dit que c’est du choléra ! Pourvu que l’ouvrier semble vivre, pourvu qu’il rapporte tant par jour à celui qui l’exploite, qu’importe s’il existe réellement, s’il se meut et s’il pense ? — Plus l’homme se rapproche de la brute pour la patience et la sobriété, mieux il convient à son maître.

Il y a tant de misère dans ce pays ; le travailleur y est tellement abandonné, méconnu, méprisé