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d’hommes que l’industrie disperse ; la terre est transformée en un champ de détresse qui ne produit plus que des ronces ! Et sur sa face souillée le monde 460 se promène, danse, communie, présente des offrandes aux Dieux et des impôts aux rois, mène équipages et noces et pompes triomphales !

Voilà pourtant ce que vous faites, ô riches, de l’homme votre semblable ! Vous ne lui laissez que la douleur pour aiguillon et conscience de sa misérable vie ! La terre, dites-vous, n’est peuplée que pour vos ravages ! Et vous moissonnez parmi les foules humaines avec une faucille d’or, les deux pieds dans le sang ! Et vous semez la mort avec les os des cadavres immolés à vos convoitises ! Et vous allez ainsi jusqu’au bout du sillon, ne trouvant jamais la graine trop abondante, ne vous fatiguant jamais de la recueillir et de la jeter au sol.

Ne vous êtes-vous jamais demandé, par hasard, ce que deviennent le sang, la chair et l’âme qui disparaissent ? Ignorez-vous que l’être est immortel dans son essence, que le déshérité renaît sans cesse avec son oppresseur, qu’ils sont liés l’un à l’autre par les étroites chaînes d’une justice terrible ?

Ah ! quand vous buvez joyeusement le jus vermeil de la vigne, quand vous mangez avec appétit la viande succulente des animaux, ne craignez-vous pas que ce vin ne vous empoisonne, que ces aliments ne vous nourrissent point ? Ne sont-ils