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Pourquoi le jour et la nuit se succèdent-ils dans les cieux, quand, sur la terre, les hommes n’en tiennent pas compte ? Pourquoi les pauvres ne jouissent-ils ni de l’ombre ni de la chaleur ? Pourquoi le soleil se lève-t-il, se couche-t-il sur leur triste travail ? Pourquoi la lune favorise-t-elle tant d’assassinats de sa douce lumière ?

Pourquoi, pourquoi se prolonge la vie de l’homme qui ne sert qu’à détruire les autres ? Pourquoi sa santé, l’éclat de ses yeux, la finesse de son oreille, la lucidité de son intelligence ? Pourquoi ses héritiers enfin, puisque tout cela commet le mal de propos délibéré, sans remords ?

Pourquoi les pauvres sont-ils pris dans un cercle de maux si serré, si fatal qu’il leur faille encore faire bonne mine à leurs bourreaux, quand ils devraient en tirer justice avec les ongles et les dents ?

Pourquoi l’intérêt privilégié du capital, la dépréciation, la non-valeur du travail ? Pourquoi la nécessité de l’existence dans des temps comme les nôtres ? Pourquoi l’exploitation, le salariat, le paupérisme ? Pourquoi la Civilisation de la propriété ?

Et comment la détruire ? Que faire contre elle ?… Des grèves ? On les dissipe avec le fer et le plomb. — Des révolutions ? On les achète avec l’or. — Des livres, des doctrines ? On les étouffe. — Des journaux, des constitutions ? La censure les interdit, l’ambition les dénature, l’hypocrisie les efface, le bon sens public les déchire : on ne lit plus, d’ailleurs.