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avides ; car les prêtres du passé se donnent pour prophètes et bercent les hommes aux psalmodies honteuses de leur mendicité ; car la Mesure harmonieuse fait oublier les paroles qu’elle secoue dans les plis brillants de sa robe.

Je chanterai seul. L’oubli général de la justice, l’humiliation du pauvre, l’outrecuidance du riche, la torpeur du peuple, la marche 454 indécise des événements, rien ne me fera changer les termes de ma juste et éternelle protestation.

Je chanterai seul. Quand le cerf pleure, quand les chiens fouillent à plein museau ses entrailles fumantes, quand les hommes s’enivrent de ce carnage, l’inflexible son du cor domine tout cela ! Donc je sonnerai le Hallali du Prolétariat égorgé par le Monopole. Ma voix claire et vibrante constatera la vérité dans toute son amertume, elle dénoncera l’assassinat qui se commet sur terre. Vienne ensuite la Vengeance à l’heure qu’il lui conviendra de choisir, je me serai mis en paix avec ma conscience d’artiste, de révolutionnaire et d’honnête homme !


Je suis au milieu de la vie. L’Illusion a traversé ma tête sans blaser mon cœur, le Désespoir a mordu mon sein sans altérer ma foi dans la Révolution. Je n’ai pas assez fréquenté les hommes pour tremper dans leurs tristes calculs ; je n’ai pas vécu dans une solitude assez close pour méconnaître les tendances des sociétés. Je me trouve précisément dans les conditions favorables pour