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moins, des gens de conciliation, des savants et des endormeurs ; je parlerai net et ferme ; je ne recommanderai pas à mes semblables de souffrir encore, de souffrir toujours. Mais je prendrai dans mes mains un rasoir tranchant et une botte de joncs serrés. Et quand les joncs se plaindront le plus fort, quand ils se reprocheront réciproquement leur gêne, je trancherai le nœud qui les presse de ma lame de fer. Et je dirai :

« C’est ainsi, mes contemporains, que vous pouvez vous délivrer de toute souffrance, dès à présent et à jamais. Ne vous poursuivez plus, ne vous accusez plus, ne vous combattez plus dans vos personnes. Mais faites du contrat social qui vous blesse ce que je viens de faire de ce lien d’osier : des morceaux ! Délivrez-vous par la force de vos bras, par l’énergie de votre vouloir. Ou bien attendez que la Mort qui détruit tout vous enterre avec vos conventions injustes. — Quia apud Dominum copiosa redemptio, comme il est dit au psaume.


Je dirai seul le cantique de tristesse et de vengeance. Je ne demanderai pas au peuple le bruyant refrain de ses chœurs ; je ne supplierai pas les partis de propager mes strophes ; je n’irai pas dans les églises décrocher les harpes des prophètes suspendues aux clous d’or ; je ne ferai ni vers ni complaintes !

Je chanterai seul. Car les peuples sont insensibles aux misères des individus, et les partis en sont