Ô vous qui ne croyez à rien, vous qui n’aimez pas les morts, dites-moi, dites-moi ce que vous deviendrez quand la pelle du fossoyeur aura couvert vos os ?
Dites-moi s’il vous est possible de détourner la vue des abîmes d’outre-tombe ?
Moi, je me sens attiré par ces horreurs noires, je plonge mes regards impatients jusqu’au fond de leurs entrailles.
Et j’en ramène l’Espérance aux yeux limpides, le Calme aux nobles traits, la Raison, la Fermeté, le Courage que rien ne peut vaincre.
Dites-moi, dites-moi… Ne sont-ils pas beaux les morts que nous aimions, la tête couronnée de roses et les lèvres vermeilles, promettant des baisers ? Ne sont-ils pas mille fois plus beaux que les squelettes blanchis aimés des médecins, et les bienheureux embaumés, empaillés que les prêtres adorent ?
Qu’on m’apporte le vin rouge, le café noir et l’hydromel aux couleurs d’or, le havane parfumé, le nard et le cinname ! Que les manolas de Séville promènent autour de moi leurs danses enivrantes ! — Car j’ai vaincu la Mort !
… Je rêve : — cela ne fait de mal à personne, et cela me fait tant de bien ! — Ah laissez-moi rêver !