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poir, trop de clairvoyance à la cécité, trop de science à l’idiotisme, trop de foi 431 au doute, trop de désirs à l’impuissance, trop de soif de bonheur au dernier degré de l’infortune !

« Ne veuillez pas retenir l’inspiration sacrée de l’amour et du génie ; subissez les défaillances que vous envoie la nature. Les éternelles flammes n’ont rien conservé jamais que la Salamandre des fables ; elles ont emporté tout le reste dans leur robe d’étincelles.

» La mer a son flux et son reflux ; le ciel, ses beaux jours bleus et ses noires tempêtes ; la nuit appelle le jour ; et le matin, le soir ; et les sécheresses, la pluie. La Tristesse accroupie, c’est le rouge aiguillon du Bonheur, toujours prêt à s’envoler.

» Chaque homme dévore sa peine, boit ses larmes, lèche sa plaie, traîne son boulet, comme il peut. Quand il souffre, Diogène le chien se couche et fait le mort ; le Sybarite hurle quand un pli de rose effleure sa peau ; le Stoïcien défie la douleur ; Saint-Augustin la divinise, la céleste Madeleine rit à seize ans et pleure à trente. Étourdissez-vous, narcotisez vos maux, dormez comme des marmottes quand vous ne pouvez pas être gais comme des pinsons. En vérité voilà la loi et les prophètes !


» Captif est l’homme dans son enveloppe d’argile ; son âme est comprimée par un masque de fer. Et les regards de son âme prisonnière ne peuvent plonger dans l’immensité qu’à travers les deux ouvertures étroites pratiquées au haut du