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vous aurez disparu, vous et vos monotones saturnales. En attendant…


Je rêve : — cela ne fait de mal à personne, et cela me fait tant de bien ! — Ah laissez-moi rêver !


J’ai visité les caveaux où reposent les souverains à l’aigle superbe, à la croix d’argent ! J’ai posé la main sur les urnes qui contiennent leurs cendres. Et dans ces urnes froides je n’ai rien senti frémir !

À Supergà, j’ai vu des crânes de rois grimacer sous des couronnes d’or ; le sculpteur a su les animer d’expressions infernales. L’un brise ses dents de rage, et l’autre d’ironie ; le regret tord la mâchoire de celui-ci, le lourd diadème écrase les tempes de celui-là. Tous souffrent et blasphèment et se rient de la mort. Oh ! bien lâche est la vanité des vivants ! Ils prétendent braver la souveraine décharnée, mais ils fuient sa rencontre, et s’ils lui portent quelque défi moqueur, ils en font peser toute la responsabilité sur des têtes de marbre !

Et je me suis écrié : Supergà ! Supergà ! ! Proche est le jour où, sous ton dôme, seront ensevelis d’autres cadavres que ceux des rois d’un même pays et d’une même race.

Car les hommes se lassent de célébrer la mémoire des despotes, et les vers sont soûls de rognons princiers !

— Rognons au Champagne, au lait d’amandes, à la sauce anchevine, au parfait amour ! Rognons sautés, piqués, truffés, gâtés, gavés, entrelardés,