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chair précieuse, mais ne veuillez pas suivre du regard la traînée des éclairs. Le crépuscule du matin, le crépuscule du soir, la foudre, les mers grandes sont pleins de sang, pleins de feu, de soufre et de phosphore : ils vous aveugleraient !

418 Oh ! bien repus, bien frisés, bien comme il faut, hommes gais et railleurs qui passez le jour aux conversations légères, aux lourds repas ! Soupçonnez-vous ce que la Pensée coûte de délires, de forces, de fièvres, de douleurs et d’épuisement ? Avez-vous jamais souffert pour oser insulter l’Inspiration sainte ?

Non, vous fumez, croisez vos jambes, vous cherchez à tuer le temps, la soif, l’appétit et le ver solitaire. Vous vous regardez pour voir des hommes, vous vous écoutez pour saisir des pensées, vous riez pour montrer vos dents postiches, vous parlez pour ne rien dire, vous tournez pour avancer, vous éternuez contre le jour, vous bâillez aux corneilles, vous ragez contre votre ombre, vous vous asseyez sur vos talons, vous avez toujours les mêmes yeux pour voir toujours le même linge qui fait toujours les mêmes plis sur les mêmes poupées humaines, les mêmes poupées savantes ! Ah ! l’heureuse contrefaçon que vous faites là du théâtre des marionnettes ! ! Oh ! la grande, la noble vie que votre vie !

Non, vous ne savez pas comme on est porté loin quand l’Imagination, déployant ses ailes, vous entraîne à travers les temps et les espaces, parmi les races et les nations, sur les villes et les uni-