Page:Cœurderoy - Jours d'exil, tome III.djvu/226

Cette page a été validée par deux contributeurs.

sée, et celui-ci l’amour ! La Vie dérobe à la Mort tout ce qu’elle avait de plus précieux.

Ainsi l’arbre qui se dépouille laisse emporter ses semences aux vents d’automne. Ainsi l’Humanité se conserve et se sauve au milieu de l’univers menaçant.




II. — Il est mort, Hennequin, mort comme les justes, mort en prophétisant, mort d’inspiration et de misère, mort dans le désespoir ! — Il avait vu le ciel !

Il ne pouvait souffrir plus longtemps dans le cercle des infortunes, des désastres et des vols civilisés. Le serpent l’étouffait, le serpent de ce monde qu’entrevit le prophète de l’Apocalypse, le hideux reptile qui a pour tête le bourgeois, le Véron-journaliste-apothicaire-sénateur, abcès d’obésité et de sanie ; et pour queue la robe traînante de la prostitution. Il lui fallait mourir ! — Il avait vu le Ciel !

Il est mort, Hennequin ! Et ce n’est pas le seul. Nombreux sont les jeunes hommes qui le précédèrent dans la tombe, nombreux ceux qui l’y suivront. De ses mains d’argent, la Société creuse la fosse de tous ceux qui pensent, parlent et luttent, de tous les rêveurs, de tous les prophètes, de tous les vengeurs, ces exilés qui soupirent après la patrie de l’avenir, la patrie dans le temps, la vraie patrie. Lamentable destinée ! Effrayante hécatombe ! Que de mères vont pleurer ! — Leurs fils ont vu le ciel !