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dissant de lumières immortelles, il vivait de la véritable vie, d’une vie toute différente de la nôtre. À ceux qui l’avaient aimé dans l’infortune il révéla l’existence des treize derniers chants de la divine Comédie, qu’on avait cru perdus.

On dit qu’André Chénier, condamné à mort par un tribunal de sang, leva sa noble tête vers la hache révolutionnaire et dit en se frappant le front : il y avait là quelque chose !

On dit que les beaux Girondins, pendant la nuit qui précéda leur mort, célébrèrent la Liberté, la Justice et l’Amour dans des inspirations sublimes.

On dit que la statue de Memnon, frappée par le soleil levant, laisse échapper une mélodie plaintive qui réveille les êtres plongés dans le repos.

On dit que le Phénix se relève, les ailes déployées, de son suaire de myrrhe et d’aromates.

On dit qu’Orphée, le chantre thrace, put descendre aux enfers et remonter au jour.

On dit que les dernières pensées des plus divins mortels sont 411 aussi les plus grandes ; et qu’à l’heure de la mort, Socrate, Dante, Macchiavelli, Christ, Gilbert et Moreau prophétisèrent.

On dit que les infortunés dont la poitrine est le siège d’un mal rongeur aiment plus que les autres les anges de la terre, les femmes au sourire consolateur.

Quand la mort aux ailes de crêpe plane de trop près sur le monde gémissant des malades, chacun d’eux s’efforce de transmettre à la postérité ce qu’il y a de plus ineffable en lui ; celui-là la pen-