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Que protèges-tu, voûte des cieux étendue ? Fleuve rêveur, de qui berces-tu le sommeil ? Que renfermez-vous, souterrains de Supergà ? »


397 Par la voix profonde de ses abîmes la montagne répondit : « Je supporte deux ou trois poignées d’ossements. S’il me plaisait de me retourner sur l’autre flanc, j’engloutirais les restes vénérés des ducs de Savoie, je les confondrais avec le silex et l’argile de mes entrailles. — Et le plus fidèle de leurs sujets ne les reconnaîtrait plus ! »


Par la voix claire de ses étoiles la voûte des cieux répondit : « Je protège des inscriptions pompeuses, des marbres luisants, des faisceaux d’armes, des casques, des glaives, des couronnes riches de diamants. Ce qu’il y a dessous ne vaut pas le dessus. S’il me plaisait cependant de pleurer avec mes orages, de me fâcher avec mes foudres, d’éclater de rire avec mes éclairs, je disperserais aux quatre vents des cieux les restes vénérés des ducs de Savoie. — Et le plus fidèle de leurs sujets ne les reconnaîtrait plus ! »


Et le fleuve répondit par la voix argentée des nymphes de ses bords : « Je berce des songes de grandeur éteinte, des présomptions ridicules désormais, des testaments et des titres que maintes fois déchirèrent les peuples souverains. Mais s’il me plaisait de gonfler les eaux de ma source, d’assiéger les monts et de ronger leurs bases, j’em-