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de leur orgueil ; les peuples, de leur soumission ; les hommes de leur aveuglement ? ! Le malheur et l’esclavage seront-ils donc éternellement notre partage ? ! Fournirons-nous toujours et le vin et le sang aux régals des Gargantuas ? !

Quoi ! dans le sein même de la mort, les superbes rois de Piémont prétendent encore dominer les états couchés à leurs pieds ? Et leurs sujets se prosternent jusqu’à terre devant leurs ombres ! Hélas ! Hélas ! la monarchie n’est qu’un emblème. Et les peuples qui acceptent pour rois des corps sans âmes peuvent aussi bien se soumettre à des esprits dépouillés de leurs corps.

… Impunis sur la terre, redoutés par les hommes timides, que les rois soient persécutés dans la tombe par l’excès même de leur orgueil ! Que la vue de leurs états réveille en leur âme les 396 soucis de la puissance, la fièvre de l’ambition, la convoitise des richesses, les jalousies d’amour, la misanthropie, la démence, l’irrésistible délire du Suicide !

Qu’ils aient des songes de larmes et de bile ! Qu’ils voient des armées sanglantes, des coursiers éventrés, des canons pleins d’esquilles, des soldats expirants, des monceaux de cadavres, des Tantales furieux ! Qu’ils sentent pénétrer dans leurs os les ombres de tous les suppliciés étranglés par leurs ordres ! Qu’ils boivent leur sang, tout leur sang ! Qu’ils déchirent leurs chairs avec leurs ongles ! Qu’ils ne puissent de toute l’éternité se détacher de leur proie ! Qu’ils soient lacérés par