Page:Cœurderoy - Jours d'exil, tome III.djvu/147

Cette page a été validée par deux contributeurs.

pensée ne s’arrêta jamais sur une question d’honneur, de dignité, de conscience, de liberté, d’histoire, d’harmonie, d’avenir ! Vous ne savez donc pas que l’Idée progesse en déchirant le sein de qui la porte ? Vous ignorez donc que les apôtres de toute révélation ne furent jamais d’accord ? Ne pourrez-vous enfin comprendre que s’ils se fussent montrés satisfaits, unanimes, comme vous l’êtes toujours, leur pensée serait morte sur leurs lèvres florissantes ?

Vous vous étonnez qu’une société de prisonniers ou de proscrits, restreinte de nombre, monotone d’aspirations, privée d’occupations actives, décimée par la misère et les peines, soit forcément divisée ! Vous êtes surpris que des hommes qui ne sont plus libres que de leurs âmes, s’obstinent dans la religion de leurs âmes ! Ils y tiennent, eux, comme vous tenez à vos épargnes ; car leurs idées sont les semences qu’ils jettent aux vents de l’avenir, et vos épargnes sont les produits que vous ravissez à l’humanité dans les siècles des siècles.

Je voudrais voir un peu comment vous seriez d’accord en prison, vous qui cependant n’avez rien à nier dans le passé, rien à détruire dans le présent, rien, absolument rien à désirer dans l’avenir ; vous qui vivez, tranquilles, sur le respectable code de l’angélique Abel, le premier des curés, la souche féconde des propriétaires. Beau livre par ma foi, doré sur tranche, fermé d’argent, enrichi par Justinien et Napoléon-le-Corse, deux